Il aura fallu plus de trois années après la sortie de Livre verts pour voir finalisé le texte de la réforme européenne de l’audit. Le vote définitif aussi lieu début avril mais les arbitrages sont arrêtés depuis le fin 2013.
Au chapitre des satisfactions pour la Compagnie nationale viennent en tête la réaffirmation d’un audit dans les PME, adapté et non dégradé, avec la latitude laissée aux Etats membres d’étendre les seuils d’audit en dessous des seuils européens, et la reconnaissance de modèle français de commissariat aux comptes. « eci est une légitimation du concept français d’audit proportionné, qui adapte la mission tout en maintenant le principe d’un audit quelle que soit la taille de l’entité » commente René-Charles Perrot, Président de la Commission Réglementation et Prospectives professionnelles.
Second satisfecit, le reconnaissance du co-commissariat, à travers la « prime » qui lu iest accordée pour la rotation des cabinets. « Souvenons-nous que le texte initial prévoyait une rotations à 6 ans des cabinets et une prime de 3 ans seulement en cas de co-CAC » rappelle Eric Seyvos, Vice président de la Commission Réglementation et Prospectives professionnelles et co-fondateur d’Option Initiatives Audit (mouvement qui fédère les cabinets d’audit de taille intermédiaire). « La rotation obligatoire passe aujourd’hui à 24 ans en France grâce au co-commissariat » se réjouit-il, remarquant que la durée de 24 ans n’a pas été choisie par hasard puisqu’elle est compatible avec notre durée de mandats de 6 ans. Parmi les autres avancées du texte, Mireille Berthelot, membre du Bureau de la CNCC, note que les ISA se voient reconnues d’application en Europe ou encore que le reporting de l’auditeur aux actionnaires et au Comité d’audit va être plus détaillé.
Si la voix française a été entendue sur ces points, il n’en reste pas moins de nombreuses zones d’incertitudes du fait que le règlement prévoit une série d’option laissées aux Etats membres. Et ce, sur des sujets structurants pour l’avenir de la profession comme périmètre d’application de la réforme, la définition des EIP ou la définition en nature et en valoume des service non audit. « Les nombreux compromis se traduisent par un grand nombre d’option laissé aux Etats membres, ce qui n’est pas la caractéristique habituelle d’un règlement qui est d’application immédiate, décrypte Mireille Berthelot. Il semble donc aujourd’hui évident que l’objectif du texte, qui était d’harmoniser les pratiques en matière d’audit pour permettre une concurrence équilibrée dans un marché ouvert, ne pourra être atteint puisque chaque Etat membre pourra choisir d’appliquer les règles européennes ou de les rendre encore plus strictes, ce qui ne semple pas forcément cohérent avec la volonté d’harmonisation européenne » poursuit-elle.
Aux états la possibilité de modifier le périmètres de l’EIP, de durcir la réglementation sur la durée de rotation ou sur la liste de services non audit, dont le plafond de 70 % d’honoraires peut également être abaissé.
« Ainsi sur le périmètres de l’EIP, explique René-Charles Perrot, la France intègre aujourd’hui les associations faisant appel à la générosité publique. Dans le cadre de la réforme, nous souhaiterions demain revoir le champ de l’EIP, en excluant les AGP dont certaines sont d’ailleurs de très petite taille. Cette évolution serait loin d’être anodine, celle diminuerait d’un tiers le nombre de cabinets contrôlant des EIP » précise-t-il. Autre sujet encore mouvant, les services non audit rendus aux EIP. « On est là sur un changement de paradigme, puisque le système français actuel interdit ce qui n’est pas explicitement autorisé et que l’Europe propose d’autoriser ce qui n’est pas interdit. C’est une évolution culturelle pour la profession française même si les services interdits in fine seront sensiblement identiques » poursuit-il. « Elle impliquera à n’en pas douter une révision de notre Code de déontologie afin notamment qu’on n’aboutisse pas à la création d’une profession à deux vitesses imposant des règles différentes aux mandats EIP et non EIP ». Des évolutions à envisager avec précaution, comme le rappellent Eric Seyvos et René-Charles Perrot. « En effet, la récente homologation de la norme RSE a montré la lenteur de notre système et illustré ainsi ses failles ». Les arbitrages reviendront à chaque état et déplacement l’avenir de la réforme, après le vote du Parlement, au niveau de la Chancellerie. Cette dernière devra livrer ses arbitrages dans les deux ans, le texte étant d’application en 2016. Il reste en outre beaucoup d’imprécisions sur ce texte et les juristes linguistes travaillent d’arrache-pied à en décrypter les subtilités. « Sur les dispositions transitoires par exemple, les mandats antérieurs à vingt auront six ans pour être renouvelés (un délai supplémentaire de deux ans pouvant être accordé), mais la définition de l’antériorité peut être discutée en cas de rachat ou de transfert de mandats » précise René-Charles Perrot.
Des mouvements très sérieux sont à prévoir, confirmant le message que la CNCC a porté aux institutions européenne depuis la présentation du Livre vert au sujet de la rotation : cette mesure phare dans l’arsenal anti-concentration de Bruxelle pourrait paradoxalement conduire à une plus grand concentration. « Plus d’un tiers des mandats vont être redistribués dans les prochaines année » anticipe Eric Seyvos. « De quoi rebattre sérieusement les cartes ». Sur des textes aussi importants, la pédagogie vis à vis des confrères est primordiale. Il est nécessaire d’alerter les professionnels sur l’importance des options laissés aux Etat membre et, au fur et à mesure, de lever les imprécisions. C’est l’esprit du site internet dédié à la réforme qu vient d’ouvrir la CNCC pour assurer le suivi de la réforme et répondre aux questions des professionnels.