La NEP-570 relative à la continuité d’exploitation indique que « tout au long de sa mission le commissaire aux comptes reste vigilant sur tout élément susceptible de mettre en cause la continuité d’exploitation ». La continuité d’exploitation n’est donc pas qu’un sujet de clôture mais un sujet de préoccupation permanent pour le commissaire aux comptes, particulièrement dans la contexte économique actuel. C’est également un sujet d’actualité pour les normalisateurs puisqu’on le retrouve au coeur des projets d’évolution du rapport d’audit, tant au plan international avec l’IAASB qu’au plan européen dans le projet de réforme de l’audit de la Commission européenne.
> Responsabilité de l’entité
Il appartient à la direction, lors de l’établissement des comptes, d’évaluer la capacité de l’entité à poursuivre son exploitation. La convention de continuité d’exploitation est reprise dans l’article L 123-30 du Code de commerce : « Les comptes annuels doivent respecter le principe de prudence. Pour leur établissement, le commerçant, personne physique ou morale, est présumé poursuivre ses activités ». En termes de référentiels comptables, la convention de continuité est citée à l’article 120-1 du Plan comptable général : « La comptabilité permet d’effectuer des comparaisons périodiques et d’apprécier l’évolution de l’entité dans un perspective de continuité d’activité » et à l’article 25 de la norme IAS 1 – Présentation des états financiers – « L’entité doit préparer les états financiers sur une base de continuité d’exploitation sauf si la direction a l’intention, ou n’a pas d’autre solution réaliste, que de liquider l’entité ou de cesser son activité ».
Dans le silence de ces référentiels comptable applicables en France, comme rappelé au paragraphe 6 de la NEP-570, la période à considérer par les entités pour apprécier le bien fondé de l’utilisation de la convention comptable de continuité d’exploitation pour l’établissement de leurs comptes est généralement estimé sur une période de douze mois à compter de la clôture de l’exercice.
> Rôle du commissaire aux comptes
La NEP-570 définit les procédures d’audit que le commissaire aux comptes met en oeuvre pour apprécier si l’établissement des comptes dans une perspective de continuité d’exploitation est approprié. Par ailleurs, l’analyse du risque pouvant peser la continuité d’exploitation d’une entité est effectuée tout au long de l’exercice dans le cadre de la missions permanente du commissaire aux comptes. Dès lors que le commissaire aux comptes identifie des éléments susceptibles de mettre en cause la continuité d’exploitation, il prend connaissance le cas échéant de l’évaluation faite par la direction de la capacité de l’entité à poursuivre son exploitation et met en oeuvre des procédures afin de confirmer ou informer l’existence d’une incertitude sur la continuité. Si son analyse confirme l’existence d’une incertitude, le commissaire aux comptes doit obtenir de la société ses plans d’actions et mettre en œuvres des procédures lui permettant d’apprécier si ces plans d’actions sont susceptibles de mettre fin à l’incertitude. En pratique ces plans d’actions peuvent être constitués de tous documents internes prévisionnels permettant d’apprécier l’évolution de la situation : carnet de commande, plan de trésorerie, plan de financement, projet d’augmentation du capital … Le NEP-570 requiert que le commissaire aux comptes demande à la direction une déclaration écrite relative au fait que ces plans d’actions reflètent ses intentions.
> Incidence d’une incertitude sur la continuité d’exploitation
Les mêmes faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation peuvent ainsi aboutir d’une part à mettre en oeuvre la procédure d’alerte et d’autre part à attirer dans le rapport sur les comptes, l’attention du lecteur des états financiers sur l’existence d’une incertitude par le biaise d’une observation après la paragraphe d’opinion ou bien encore, en fonction de la gravité de la situation, à refuser de certifier les comptes (pour incertitudes multiples). Ces deux conséquences découlant d’une même analyse de la continuité de l’exploitation, il ne peut y avoir de contradiction entre elles.
La NEP-570 rappelle que pour la présentation d’une observation dans le rapport sur les comptes, il est nécessaire qu’une information pertinente sur l’existence de l’incertitude soit présentée en annexe (description des principaux faits à l’origine de cette incertitude et des plans d’action engagés par la direction de l’entité pour y faire face et mentionne de l’incertitude qui en découle). Si l’information donnée en annexe n’est pas appropriée, le commissaire aux comptes sera amené à en tirer les conséquences sur son option (désaccord pour insuffisance de l’annexe). Enfin, si le commissaire aux comptes estime que la continuité d’exploitation est définitivement compromise et que les comptes n’ont pas été établis en valeurs liquidatives, il exprime généralement un refus de certifier.
Projets d’évolution du rapport d’audit
L’IAASB a publié en juillet 2013 un exposé-sondage proposant une révision fondamentale de la norme ISA 700 relative au rapport d’audit. En plus d’une mention des « Point clés de l’audit » (élément sur lesquels l’auditeur a concentré ses travaux), le projet de rapport d’audit contient notamment un section relative à la conclusion de l’auditeur sur la continuité d’exploitation, portant d’une part sur la caractère approprié de la convention comptable de continuité et d’autre part, sur l’absence d’incertitudes significatives en matière de continuité d’exploitation. Des dispositions assez proches figurent également dans le projet d’évolution du rapport d’audit de la Commission européenne. Dans sa réponse à l’exposé-sondage de l’IAASB, la profession comptable française souligne l’importance que le concept de continuité d’exploitation soit auparavant mieux défini dans les référentiels comptables et que des explications appropriées soient fournies par l’entité en la matière dans ses annexes comptables. Par ailleurs, elle attire l’attention de l’IAASB sur la difficulté de se positionner sur le second sujet (absence d’incertitudes significatives) dans les cas de sociétés en « zone grise » pour lesquelles la continuité repose sur des hypothèses structurantes.