Alors que le nombre des défaillances est reparti à la hausse, pointant les difficultés des entreprises à financer leur trésorerie, la CNCC a été sollicitée dans le cadre de différents projets de loi en cours (réforme de la justice commerciale, loi sur la consommation…). Elle a pris part au début en réfléchissant et travaillant à des propositions, concernant à la fois le rôle d’alerte du commissaire aux comptes et son intervention dans le cadre des procédures collectives, mais aussi en amont dans la détection des difficultés des entreprises. C’est ainsi l’occasion de revisiter tous les outils à la disposition du commissaire aux comptes au niveau de l’alerte, mais aussi de rendre plus concret son rôle vis-à-vis des acteurs du monde judiciaire, des entreprises et des pouvoirs publics. « Le commissaire aux comptes est un acteur essentiel de l’entreprise qui a une vision globale et pertinente de l’activité de l’entreprise, puisqu’il en contrôle les rouages financiers » résume Michel Léger qui a participer au groupe de travail de la Chancellerie sur la prévention des difficultés des entreprises. « Nous devons davantage faire connaître le rôle de commissaire aux comptes à l’heure où les pouvoirs publics cherchent des moyens pour améliorer la détection des difficultés des entreprises ».

les propositions présentées par la compagnie nationale visent à parfaire ce rôle, instauré par la loi de 1984. Comme le rappelle Jean-François Mallen, qui a participé a ces réflexions : « le commissaire aux comptes doit conduire aux côtés de son client une réflexion permanente sur les risques de défaillance et le pousser à s’organiser dès que les signes avant-coureurs d’une baisse d’activité se manifestent. S’il découvre des anomalies, il les fait rectifier, cela fait partie intégrante de son travail ». Ce rôle est aujourd’hui central et efficient, et (bien que ce ne soit bien sûr qu’un facteur parmi d’autres) les entreprises dotées d’une commissaire aux comptes connaissent en moyenne moins de difficultés, moins de procédures d’alerte et au final moins de défaillances. Ainsi sur les 60 000 défaillances d’entreprises enregistrées en moyenne dans chacune des dernières années, plus de 95 % n’ont pas de commissaire aux comptes.

Outres les propositions en matière de signalement par le commissaire aux comptes des retards de paiements, la CNCC a proposé une adaptation et une mise en place élargie des documents prévisionnels, qui ne sont aujourd’hui éligibles qui pour les entreprise de plus de 300 salariés ou d’un CA net égal ou supérieur à 18 millions d’euros. S’il entre déjà dans la mission du commissaire aux comptes de s’assurer de l’établissement de ces documents, d’en contrôler les principes et la vraisemblance des hypothèses, la profession souhaite rendre le dispositif encore plus efficient.

D’une façon plus générale, le commissaire aux comptes pourrait également intervenir sur la certification d’autres informations en lien avec l’environnement de l’entreprise présentant des difficultés, banques, créanciers, pouvoirs publics…, comme par exemple des prévisions de trésorerie ou de résultat d’exploitation, l’état du passif exigible et l’actif disponible, l’état des dettes nées avant l’ouverture de la procédure ou engagées après le jugement d’ouverture, l’état des créances soumises à la procédure Dailly, les ratios tirés des comptes audités prévus dans les conventions bancaires, le chiffre d’affaires réalisé pendant la période d’observation, des comptes pro-forma dans le cadre d’un plan de cession…

S’agissant enfin la procédure d’alerte elle-même, qui constitue aujourd’hui un aspect clé du rôle du commissaire aux comptes en matière de prévention-détection, des améliorations proposées par la Chancellerie sont en cour d’examen pour une meilleur information durant les procédures collectives, telles qu’une levée du secret professionnel dans la cadre de la procédure d’alerte, envers l’expert-comptable, l’avocat et le mandataire ad hoc lorsqu’ils interviennent dans l’entité, ou une information de commissaire aux comptes en cas de désignation d’un mandataire ad hoc. « Il serait utile que le président du tribunal de commerce puisse convoquer le commissaire aux comptes dès la première phase de l’alerte, en bref qu’il soit mieux impliqué et informé dans les procédures collectives » souligne Jean-François Mallen. A l’inverse « toute information détenue par l’administrations pourrait être utilement communiquée au commissaire aux comptes à commencer par les incidents de paiement. Cela contribuerait à l’aider à intervenir plus en amont ».

Enfin, une proposition d’accompagnement des juges consulaires par les CRCC, en collaboration avec le CNCC et l’ENM est en cours d’avancement.

> Vers une intervention plus efficiente sur les délais de paiement

La rapport Bourquin a placé les délais de paiement au cœur de l’actualité et mis en lumière leur rôle dans l’aggravation des difficultés des entreprises. Les contacts étroits établis par la CNCC avec le sénateur Bourquin pendant la phase de préparation du rapport ont permis une évolution des dispositions prévues par la LME en 2008 et réaffirmé le rôle des commissaires aux comptes en matière de revue de l’information sur les délais de paiement.

« L’essentiel des propositions de la CNCC quant à l’aménagement du dispositif d’alerte sur les délais de paiement ont été retenues dans le rapport Bourquin rassemblées dans la 5ème des 17 mesures » s’enthousiasme Béatrice Jestin qui a participé au groupe de réflexion de la CNCC autour du rôle de commissaire aux comptes en matière d’alerte. Pour résumer, elles visent à ne pas se contenter d’un regard annuel de l’auditeur mais à prévoir que l’entreprises lui fournisse des éléments à attester en cours d’année. Et également à rendre compte à la fois de l’état du crédit-fournisseur, mais aussi du crédit-client, permettant au commissaire aux comptes d’appréhender la problématique des délais de paiement dans leur intégralité. Enfin, la présentation bilantielle dettes/créances sera modifiée mettre en évidence le nombre de jours qui dépassent le délai normalement accordé. « L’idée est de ne pas se contenter d’une constat à date mais de pointer des flux, tous en s’imprégnant du mode opératoire de l’entreprise, qui sera amenée à fournir des explications (car les comportements sont variables d’un secteur à un autre)… en bref, d’adopter une vision dynamique de cette question des délais de paiement » précise Béatrice Jestin. La traduction de ce rapport sera vraisemblablement plus réglementaire que législative (un décret est prévu au plus tard début 2014, qui précisera les modalités d’intervention du commissaire aux comptes), mais ses principes ont déjà été inscrits dans le projet de loi relatif à la consommation discuté fin juin.

> La profession, force de proposition sur la formation et l’indépendance des magistrats.

La CNCC a participé aux réflexions conduites au sein des groupes de travail mis en place sur les thèmes de la formation et de l’indépendance dans le cadre du projet de loi réformant la justice commerciale.

Si la proposition de la Compagnie nationale d’une intervention des CRCC dans la formation continue des magistrats semble ne pas avoir, à ce stade, été retenue dans le projet de texte au profit d’une solution entièrement gérée par l’Ecole Nationale de la Magistrature, ses suggestions en matière de formation des magistrats consulaires au monde de l’entreprise pourraient avoir retenu l’attention des pouvoirs publics, en tous les cas au stade du pré-projet de loi, et devraient même faire l’objet d’une demande de modification de la loi organique. « La CNCC a en effet œuvré pour que la stage compris dans la formation initiale (aujourd’hui systématiquement effectué en cabinet d’avocat) soit obligatoirement reparti entre 3 mois en cabinet et trois mois en entreprise » explique Jean-François Mallen, qui représentait la Compagnie dans ces discussions. Côté indépendance, même si rien ne prouve qu’aujourd’hui des défaillances du côté des magistrats, les propositions de la CNCC pour renforcer l’éthique ont semble-t-il été entendues. Un document de référence sur le sujet sera mis en place et une instance de déontologie consultative instituée dans chaque tribunal de commerce, ainsi qu’un conseil national de discipline et des déclarations d’indépendance facultatives par les magistrats. « A noter que les relations que le profession entretient avec les tribunaux de commerce sont souvent excellentes, même si certains présidents peuvent reprocher au commissariat aux comptes un nombre relativement faible de procédures d’alerte » souligne Jean-François Mallen. « A nous de leur faire comprendre en quoi ce nombre est plutôt signe d’une prévention active de notre part et pas seulement le fait de la structure des entreprises où nous intervenons. En même d’esquisser un rapprochement entre notre présence dans ces entreprises et leurs moindres difficultés… »